Bernard Noël et les festivals d’été

 

Au théâtre, il y a avant tout cette communion avec le public qui change. Au théâtre, tout est une question de jeu, de technique, il faut projeter son texte à 20 ou 30 mètres. Ainsi parlait Bernard Noël du 6e art celui de la scène. Il avait attrapé le gout du théâtre, lorsqu’il était au lycée à Nancy. Son professeur de lettres savait éveiller la curiosité des élèves pour les arts et particulièrement le théâtre.et Bernard avait été conquis. Après avoir confié à son maitre l’intérêt qu’il porte pour le théâtre, celui-ci le dirigea au Conservatoire de Nancy. Il obtint les prix de tragédie, de comédie et de diction.

1945, le jeune comédien débarque à Paris. Ce sera La rue Blanche, le Conservatoire, la Comédie-Française, les scènes parisiennes. Il sera à l’affiche du théâtre des Mathurins dans L’Héritière de R.et A. Goetz, au côté de Michèle Alfa en 1951, La Rose des vents de C. Spaak au Vieux Colombier, en 1953 et surtout, en 1956, il remplace Pierre Dux, quand celui-ci est aphone, dans le rôle de Cyrano de Bergerac, sur la scène du théâtre Sarah Bernard. Raymond Rouleau qui faisait la mise en scène avait distribué Bernard dans Lebret et comme il avait besoin d’un suppléant pour Pierre Dux, il demanda à Bernard de le faire. Le comédien dira quelques années plus tard « Le rôle, physiquement est écrasant, il a eu l’idée de m’essayer… Cela a été l’amorce d’une évolution essentielle. En fait, je ne me sentais pas à l’aise dans les jeunes premiers où mon physique me cantonnait et soudain le pittoresque, la violence particulière de Cyrano me procurèrent un sentiment nouveau. Ensuite, les festivals, à Angers ou à Vaison-la-Romaine, avec des rôles tels que Pétruchio de La Mégère apprivoisée, ou Coriolan, m’ont aidé à me débrider, à me libérer davantage ».



AVIGNON

 

 

Été 1947. Bernard fait partie, avec Germaine Montero, Silvia Monfort, Michel Bouquet, Alain Cuny et bien d’autres… De cette troupe de comédiens qui participe, sans en avoir conscience, à ce qui va devenir une des plus belles manifestations théâtrales au monde. Cette grande aventure de Jean Vilar aboutit, un an plus tard, à la création du festival d’Avignon, qui se nomme pour l’heure La Semaine d’art à Avignon.

En cette année 1947, sur la scène de la cour d'honneur du Palais des Papes, Bernard Noël interprète le rôle de Bolingbroke dans La Tragédie du  roi Richard II de William Shakespeare.

 

« Bernard Noël, futur Henry IV (Bolingbroke, duc de Hereford) dont l’allure, le beau physique et le verbe ont fait impression. » Dira la critique.


Mais le comédien n'a qu'un désir, jouer sur la scène du  Théâtre-Français...

 

« Avignon, le 16 juillet 1948, mon cher Desgraupes, ici le temps est beau, mais nuageux. Le séjour est agréable dans ce cher Avignon, je dis cher à tout point de vue… Rencontres de comédiens… Voici Bernard Noël que nous retrouvons ici à Avignon, puisqu’il était là l’an dernier dans Richard II ; encore un qui est made in Conservatoire et deuxième prix de comédie de cette année ! Il m’apprend à l’instant qu’il vient d’être engagé au Français. Comment cela s’est-il passé ? »

Bernard Noël :

« C’est après une réunion du comité que monsieur l’Administrateur général m’a fait savoir mon engagement au Théâtre-Français. J’étais déjà à Avignon et je suis heureusement surpris. »

Jean Guignebert :

« Vous avez quitté les répétitions pour regagner Paris ? »

Bernard Noël :

« J’ai regagné Paris et j’ai signé mon contrat le 13 juillet. »

Jean Guignebert :

« Et qu’allez-vous jouer à la Comédie-Française ? »

Bernard Noël :

« Je ne sais pas encore, mais je crois que monsieur l’administrateur voudrait me faire jouer dans du Musset… »


Vilar prit acte de sa décision et n’exprima pas ses sentiments


 





L'été 1947, répétitions de Richard III dans la Cour d'honneur du Palais des Papes. Bernard Noël avait comme partenaire une toute jeune comédienne de dix-neuf ans, qui ne le laissait pas indifférent, Jeanne Moreau: de la même promotion que lui au Conservatoire, il la retrouvera sur les planches du Théâtre-Français.

Télé 7 jours  du 5 août 1967

Le festival de Vaison-la-Romaine

 

En 1966, l’année où Bernard Noël met en scène La Mégère apprivoisée, le festival de Vaison-la-Romaine est devenu un rendez-vous incontournable en terre provençale pour les amateurs de théâtre « comique ». À quelques lieues d’Avignon et d’Orange, la vieille cité antique et son théâtre romain donne rendez-vous chaque été aux amateurs de pièces en plein air spécialisées dans la farce, l’ironie et le rire, même si quelquefois le texte en est moins riche à l’origine, une légère modification transforme une tragédie sanguinolente en une pièce bouffonne.

L’aventure de Bernard Noël et Vaison-la-Romaine commence en 1953 avec Ion ou l’enfant du miracle de Bernard Zimmer d’après Euripide et elle se termina en 1969 avec La Tour de Nesle d’après Alexandre Dumas que Bernard Noël va interpréter et mettre en scène. Durant toutes ces années, le comédien jouera et montera des représentations scéniques qu’il voulait avant tout en communion avec le public. « Ce public, disait-il, auquel on doit servir le bon spectacle et non la pièce à thèse ou le récit didactique. Le côté fumeux, verbeux m’effraie. Le public veut, je le répète s’intéresser au “spectacle”. C’est bien plus nourrissant que toute la sauce que l’on peut faire autour. Il ne faut pas confondre meeting, conférence et théâtre. On dénature tout, on intellectualise tout, de façon gratuite. On passe à côté de la santé, du souffle et du lyrisme. »

 

 

1968, 1969, Juliette Gréco est sur la scène du théâtre antique de Vaison la Romaine, un lieu  qu’elle connait bien. Elle est accompagnée sur scène de Gérard Jouannest au piano qui fut le pianiste de Brel et qui deviendra son mari , de Jacques Liebrard le guitariste de Piaf et du talentueux Noël Morales à l’accordéon. Elle se souvient bien cette époque. En lui demandant quel souvenir elle garde de Bernard Noël et de cette période, elle fait un grand sourire et dans un geste, comme si elle interprétait une chanson, elle passe sa main au dessus de la tête pour signifier…    Magnifique !

 

 

 

Le Festival d'Angers

Les festivals d’été pour Bernard Noël, ce fut aussi l’Anjou qui lui donna l’occasion de jouer pour la première fois le rôle de Petruchio face à Renée Faure qui tenait le rôle de Catharina durant l’été 1959.



 

Pierre Santini, jeune comédien en 1963 se souvient

Jamais les jeux du théâtre de Sarlat n’avaient vu une compagnie aussi importante que cette année. En effet Maurice Jacquemont arrivera de Paris avec plus de quarante comédiens, et disposera sur place d’autant de figurants, notamment pour  « Cyrano de Bergerac ».

Ce qui caractérise cette compagnie, c’est sa variété, grandes vedettes et jeunes comédiens  s’y côtoient en toute sympathie.

Une fois de plus, les charmes du Sud-ouest auront conduit à l’adoption d’une grande vedette. Bernard Noël est particulièrement heureux de venir à Sarlat, qu’il ne connait pas, mais dont il a déjà entendu grand bien. Ayant obtenu un grand succès dans le rôle de Cyrano, qu’il joua plus de cent fois au théâtre Sarah Bernhardt en 1956. Bernard Noël apportera son extraordinaire « nature » de comédien, sa gentillesse et sa générosité  à Sarlat où il sera  le principal artisan de ce grand  spectacle.     

 

Actualités

Paris au mois d'août

Petite visite à Bonnieux dans le Vaucluse. Lieu de tournage de La Mégère apprivoisée en 1964

C’est une grande dame, une grande dame de la scène, une grande dame du music-hall. Notre plus belle ambassadrice aux USA. En 1958, dans l’émission de Jean Nohain, Line Renaud joue une scène dans la pièce « Horace » de Pierre Corneille avec Bernard Noël. En regardant mon  livre, elle me confie : « C’est une bonne intention d’avoir écrit ce livre »

 

 

inoubliable Nicole Berger


Télécharger
Pierre Arditi parle de Bernard Noël.mp3
Fichier Audio MP3 511.5 KB

Souvenir ému d'une très belle rencontre, sur les lieux de tournage de Jacquou le Croquant en Dordogne avec Paloma Matta qui nous a quittés le 13 septembre 2017

« Claude Rich connaissait Bernard Noël depuis plusieurs années. Étant condisciple de Magali de Vendeuil  au Conservatoire en 1949, il rencontrait souvent le comédien qui venait chercher sa femme quand elle avait fini ses cours. Mais les deux hommes apprirent à se connaitre en 1961, lorsqu’ils jouèrent la pièce de Françoise Sagan Château en Suède. »

 Sur mes chemins de Bernard Noël  (p119)

 

Rencontre  télévisée de 1957, dans l’émission « Trente six chandelles » présentée par Jean Nohain. Line Renaud joue une scène, dans la pièce « Horace » de Pierre Corneille avec  Bernard Noël, elle réalise ainsi, son rêve d’enfant selon Jean Nohain.

 

en février 1957, où j’interprète   cette fois –les imprécations de Camille dans Horace de Corneille , face à Bernard Noël…  (extrait du livre de Line Renaud      Et mes secrets aussi    édité chez Robert Laffont)

 

La Facture 1968

Avec Jacqueline Maillan

Ça aussi c’était Pierre Tchernia.  Un grand professionnel qui acceptait de recevoir sur un plateau de télévision des jeunes passionnés de cinéma, en posant  avec leur fanzine le temps d’une photo…

La 35ème Foire du livre de Brive (du 4 au  6 novembre dernier) me permit de faire de belles rencontres  avec des personnalités ayant connu Bernard Noël.             En commençant par  le grand Jean-Pierre Mocky. Il se souvient bien de son ami  Bernard,  même s’il ne l’avait jamais fait tourner dans un ses films. Le réalisateur me confirme que Bernard Noël  aurait très bien pu incarner un de ses personnages loufoques et excentriques qui ont fait partie de son univers.

 

 Ma deuxième rencontre : la chanteuse emblématique des années soixante dix Dani, fut aussi comédienne en tournant avec Vadim, Truffaut, Chabrol, Lautner, Claude Berri et bien d’autres.

 

Dani avait vingt ans en 1964 lorsque son nom Dani Graule apparait au générique de La Ronde de Roger Vadim. Ce film est son premier rendez-vous avec le cinéma. Jean-Daniel, assistant de Roger Vadim, la choisit pour une « figuration intelligente » comme elle l’explique dans son livre * Le film fut entièrement réalisé aux studios de Saint-Maurice. Le scénario  tourne autour d’une série de rencontres amoureuses  Dani est aperçue dans la scène : Le poète et la comédienne

 

 Bernard Noël interprétait le poète,  dont le jeu était proche du personnage de Charles Paumelle le père de Victor dans la pièce de Roger Vitrac qu’il jouait sur la scène de l’Athénée ou de Célimare le bien aimé d’Eugène Labiche, enregistrée pour la télévision dans la même période.

 

 Dani se souvient d’un Bernard Noël paternaliste lui faisant travailler sa courte scène. Roger Vadim était trop occupé, Bernard  avait cette patience de prodiguer des conseils pour les jeunes débutants dans la profession 

 

                       L’auteur dramatique, poète, académicien René de Obaldia (98 ans) devait être présent à cette 35 ème Foire du livre de Brive, mais il n’a pu faire le déplacement. J’avais l’intention de le questionner sur l’année 1966, lorsque Bernard Noël  et Marie-José Nat jouaient sur la scène du Studio des Champs-Élysées : L’Air du large

 

* La nuit ne dure pas   Dani     Flammarion, 2016.

 

Vaison-la-Romaine

La télévision de cette époque, c’est aussi cela : «  1969, un enfant faisait pleurer la France.

Son nom :

« Jacquou le Croquant ». Le chef d’œuvre de Stellio Lorenzi

Lorsqu’il y avait des repas de famille, Bernard faisait baisser la lumière et tous l’écoutaient religieusement quand il récitait des textes magnifiques, comme ce poème de Jacques Prévert de 1946, qu’il appréciait particulièrement :

 

 

Barbara

 

 

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
É panouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant

Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Jacques Prévert, Paroles